Dans son édition du 13 février 2020, la lettre d'information "La Lettre A" titre "Le CNAPS épingle la sécurité de la Ryder Cup supervisée par Thomas Collomb", à propos d'une procédure disciplinaire conduite par le Conseil national des activités privées de sécurité.
L'article évoque en effet la sanction prononcée par une Commission locale d'agrément et de contrôle d'Ile-de-France à l'encontre de la société de sécurité CPS SECURITE, à raison des manquements au Code de la sécurité intérieure qui auraient été relevés par les contrôleurs de cette administration lors d'une compétition internationale, la Ryder Cup, qui s'était déroulée au mois de septembre 2018.
Hélas, le papier de « La Lettre A » manque de précision sur quelques-uns des aspects du travail dont est chargé le CNAPS, sur lesquels notre billet se propose de revenir.
L'article indique que le Directeur-général va "contester en appel" la sanction prononcée par l'administration. A la lettre, il ne s'agit pas d'un appel, puisque la Commission qui a pris une décision n'est ni une juridiction ni un ordre professionnel statuant comme une juridiction, mais un des organes d'un établissement public administratif. La procédure qui va être mise en œuvre est en réalité un "recours administratif préalable obligatoire" prévu aux article L 633 et R 633-9 du Code de la sécurité intérieure, qui sera adressé à la Commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du CNAPS. Le recours a ceci "d'obligatoire" que l'on ne peut précisément pas se tourner vers le juge administratif - sauf en référé - sans être passé auparavant par cette Commission nationale. A ce stade, l'entreprise ne va donc pas former un appel, mais prolonger le face à face avec le CNAPS, à travers un autre de ses organes.
L'article indique que le principal manquement imputable à la société serait l'absence de Registre des contrôles internes. L'obligation de tenir ce document est issue de l'article R 631-16 du Code de la sécurité intérieure, disposition intégrée au "Code de déontologie des personnes physiques ou morales exerçant des activités privées de sécurité". On peut s'étonner qu'une entreprise aux ressources et moyens importants n'ait pas été à même - si le manquement est véritablement établi - de produire un tel Registre, surtout après une première mise en garde lors d'un contrôle antérieur. Dans les sociétés de sécurité de taille modeste, il n'est pas rare que le dirigeant se satisfasse de la confiance placée en ses agents de sécurité, et dans un contrôle humain "à la culotte".
La tonalité générale de l'article laisse à penser que le CNAPS se signalerait pas une indulgence coupable à l'endroit des brebis galeuses de la profession. Or, rien n'est moins vrai.
D'abord, si l'entreprise sanctionnée n'avait pour l'essentiel qu'un défaut de Registre à se reprocher, son cas a en effet pu paraître bénin au régulateur de sécurité privée, encore trop fréquemment confronté à des entreprises au fonctionnement largement non conforme à la réglementation (défaut d'agréments, infractions à la législation sociale, etc...).
Ensuite, contrairement à ce qu'indique "La Lettre A", le CNAPS ne permet pas "aux chefs d'entreprise du secteur d'être jugés par leurs pairs". Les règles de composition des Commissions locales d'agrément et de contrôle sont fixées par l'article R 633-2 du Code de la sécurité intérieure, soit "sept représentants de l'Etat", "le procureur général", "le président du tribunal administratif", et "trois personnes issues des activités privées de sécurité". A nouveau, il ne s'agit pas d'un ordre professionnel, mais d'un organe d’une autorité administrative où les représentants de la profession apportent leur connaissance concrète et opérationnelle de leur secteur d'activités, et parfois un avis acerbe et éclairé sur la pertinence d'un argument formulé en défense.
En outre, comme l'ancien Président du CNAPS Alain Bauer le rappelait dans sa réponse aux critiques soulevées par la Cour des comptes en février 2018, les pairs des personnes mises en cause sont souvent plus intransigeants que les représentants de l'Etat et les magistrats, dès lors qu'ils savent ce que coûtent à toute la profession les dérives d'une partie de ses membres.
L'article affirme à tort que les sanctions prononcées par le CNAPS "sont le plus souvent d'ordre symbolique". Les Commissions n'hésitent pas à user des pouvoirs qui leur sont conférés par l'article L 634-4 du Code de la sécurité intérieure en prononçant pénalités financières lourdes et interdictions temporaires d'exercice toujours gravissimes quand elles ne sont pas fatales.
Enfin "La Lettre A" soutient que pour "ne pas nuire à la réputation des entreprises", le CNAPS "place au secret ses délibérés et actes de procédure". Pour autant, hormis le délibéré lui-même, et sauf exception, les séances des Commissions sont publiques en vertu de l'article R 634-2 du Code de la sécurité intérieure, et les décisions publiées au Recueil départemental des actes administratifs conformément à l'article 39 du Règlement intérieur du CNAPS. On ne peut donc pas suspecter une quelconque omerta, même si la profession plaide pour qu’une plus grande publicité soit faite aux sanctions, afin de dissuader les donneurs d’ordres de recourir aux services des opérateurs indélicats ou incompétents.