La revue Protection Sécurité Magazine a interrogé Vincent Luchez, dans sa livraison de novembre/décembre 2020, sur la notion de jurisprudence, et sur son importance sous-estimée y compris dans le domaine de la sécurité.
En
quoi cela concerne les acteurs de la sécurité privée ?
Une
première illustration nous est donnée par un arrêt de la Cour administrative
d’appel de Marseille en date du 18 septembre 2020, en matière d’exclusivité et
de sous-traitance. Rappelons qu’aux termes de l’article L 612-2 du Code de la
sécurité intérieure, une société de sécurité ne peut fournir comme prestation
que celle pour laquelle elle a été restrictivement agréée par le régulateur de
la sécurité privée (CNAPS). Cette règle a structuré le marché en séparant les
entreprises de gardiennage, d’enquêtes, ou de protection rapprochée. Dans un
arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon de 2018, il avait été jugé
qu’on pouvait néanmoins sous-traiter une activité de sécurité pour laquelle on
n’était pas agréé soi-même. Le juge marseillais vient d’adopter une position
inverse, et l’insécurité juridique qui en résulte ne pourra être levée que par
une décision du Conseil d’Etat.
La
jurisprudence ne fait pas qu’interpréter, elle peut aussi bloquer l’Etat…
C’est
une particularité des juridictions administratives que d’encadrer et au besoin
arrêter net l’action de l’Etat. En matière de sécurité et technologies, le
Conseil d’Etat – au sommet de l’ordre composé des tribunaux administratifs et
des cours administratives d’appel – l’a rappelé par une ordonnance du 18 mai
2020 dans le cadre d’un référé-liberté, procédure permettant de mettre un terme
dans un délai de 48 heures à une mesure de l’administration qui porte une
atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Il a
estimé que le déploiement d’un dispositif de drones par la Préfecture de police
de Paris pour lutter contre la propagation du coronavirus était contraire à la
législation en matière de protection des données personnelles, car les
appareils étaient techniquement capables d’identifier les personnes survolées,
et que la procédure d’autorisation du dispositif n’avait pas été respectée.
Protéger oui, mais dans les règles…